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Par Jean-Noël Caussil

[Prédictions 2018] Florent Haïk (Raphaël Financial Advisory) : « 2018, une année d’accélération des opérations de rapprochement entre les physical native et les digital native »

Tous les jours, LSA vous propose les prédictions d'un expert du retail pour 2018. Aujourd'hui, Florent Haïk, associé et fondateur de Raphaël Financial Advisory, explique à quel point les mondes du physique et du digital sont voués à sans cesse davantage s’entremêler, puisque chacun a besoin de l’autre.

Les acteurs physical native et digital native n’ont pas attendu 2018 pour se rapprocher. Les distributeurs physical native ont besoin du digital pour compléter leur dispositif de distribution physique et développer une approche réellement omnicanale. Soit ils développent leur e-shop en interne, soit ils l’achètent, comme Walmart avec Jet et Bonobos, comme Target avec Casper, ou comme Darty avec Mistergooddeal. Soit souvent les deux. Cette tendance est la plus naturelle et la plus ancienne.

Tendance plus récente celle-là, les industriels (santé, beauté, automobiles, maison) prennent conscience du mouvement de désintermédiation de la distribution et cherchent à se rapprocher du client final pour mieux le connaître et pour améliorer leurs marges. Plusieurs opérations récentes de croissance externe illustrent cette tendance. Elles peuvent être classées en deux catégories.

1/ Les acquisitions de marques digital native, les Digital Native Vertical Brands (DNVB). Exemple dans le rasage avec Unilever qui rachète en juillet 2016 Dollar Shave Club pour 1 milliard de dollars. Exemple dans la cosmétique avec Sisheido qui rachète Matchco en 2017, start-up américaine de fonds de teint sur-mesure.

2/ Les acquisitions de plateformes de distribution. Exemples dans l’automobile avec PSA qui rachète Mister Auto et Aramisauto et de Michelin qui prend 40% de Allopneus.

Quand le digital se renforce dans le physique

En sens inverse, une tendance plus récente est en train de s’accentuer : les acteurs du digital se renforcent dans le monde physique. Les digital native ont besoin de réduire leur coût d’acquisition clients, de limiter leur dépendance à Google et d’améliorer leurs marges.

1/ L’acquisition de clients sur le net, via principalement Google, coûte cher. Le réseau de distribution physique permet de baisser ce coût. Cela concerne aussi bien les e-commerçants comme La Redoute, Spartoo que les DNVB comme Sézane, Le Slip Français, Made.com, Maison Standards qui ont ouvert des points de vente.

2/ Les e-commerçants, qui se battent sur les prix et dégagent souvent des marges brutes insuffisantes pour payer les coûts marketing, la logistique, l’expédition, le retour etc., cherchent aussi à exploiter leurs propres marques. Cela va du e-commerce de produits de grande consommation, comme Amazon qui lance aux Etats-Unis ses propres marques, à la distribution de chaussures comme Spartoo et Sarenza qui proposent des marques propres.

Un contexte politique et économique favorable aux opérations de fusions & acquisitions

Peu d’acteurs du digital ont à ce jour franchi le pas de réaliser des acquisitions de physical native. Amazon a racheté la chaine de distribution alimentaire Whole Foods aux Etats-Unis et Spartoo, dont on vient d’annoncer la reprise début 2018 de l’enseigne de chaussures André. Spartoo avait auparavant acquis des grappes de réseaux de magasins. Cette tendance devrait s’accélérer en 2018. Dans un contexte politique et économique favorable, les opérations de fusions & acquisitions devraient se multiplier. Aucun secteur n’échappera à cette convergence : alimentaire, mode, maison, bijou, bricolage, art, électroménager, jouets. Plusieurs facteurs d’accélération à cela :

1/ Les dirigeants et actionnaires de groupes physical native ont compris que les développements internes dans des univers éloignés de la culture de ces groupes sont plus coûteux, plus longs et plus risqués que des acquisitions. C’est la conclusion à laquelle est arrivé PSA en rachetant Mister Auto, ou les Galeries Lafayette avec La Redoute.

2/ Les dirigeants et actionnaires de groupes digital native se sont vus longtemps comme des pureplayers du digital et ont longtemps souhaité réserver les levées de fonds à l’accélération du développement digital. Ils sont de plus en plus nombreux à infléchir cette doctrine. Amazon a ouvert la voie avec Whole Foods. Nous devrions également assister à l’acquisition de marques par les e-commerçants.

3/ Certains acteurs physical native et digital native connaissent des difficultés faute d’avoir trouvé leur business model et d’avoir pris le bon virage stratégique au bon moment. Certains digital nativeont concentré leur stratégie sur une croissance soutenue et fortement consommatrice de capitaux. Leurs investisseurs vont maintenant souhaiter récupérer leurs mises. Par ailleurs, certains physical native sont énergiquement invités par leurs actionnaires à accélérer dans le digital. Le fonds activiste de Nelson Peltz a utilisé l’argument de l’inadaptation de Gillette face à la concurrence de Dollar Shave Club pour fragiliser le management de Procter & Gamble. Ces acteurs, aidés par des valorisations devenues attractives aux yeux des acheteurs, pourraient devenir des cibles. L’acquisition de André par Spartoo tombe dans cette case.

 

Florent Haïk est associé et fondateur de Raphaël Financial Advisory. Auparavant, il a été six ans associé-gérant au sein de Rothschild & Co, spécialiste du conseil en fusions & acquisitions auprès de PME et ETI. Créée en 2015 par des anciens de Rothschild & Co, Raphaël Financial Advisory est une banque d’affaires indépendante dédiée aux opérations portant sur des sociétés familiales et d’entrepreneurs (ETI, PME, entreprises de croissance). La banque d’affaires conseille des opérations de fusions & acquisitions notamment pour des PME et ETI du retail, du e-retail et des marques.